Agée de 27 ans, Léa Chapuis a chaussé les skis dès sa plus tendre enfance. La Savoyarde a, par la suite, très rapidement goûté à la compétition. Après une carrière dans l’alpin, Léa Chapuis se passionne depuis quatre saisons pour le ski freeride, avec de belles ambitions pour le futur. Léa Chapuis s’est confiée en interview pour le blog !
–Léa, peux-tu te présenter en quelques phrases aux lecteurs du blog ?
Je m’appelle Léa, j’ai 27 ans et je suis freerideuse. Je suis aussi monitrice de ski pour financer un peu mes saisons, et continuer de transmettre ma passion pour la glisse. Je suis également marketeuse, après avoir été diplômée d’un Master Marketing au sein de Sciences Po Paris. J’essaie donc aujourd’hui de concilier toutes mes passions !
–Tu skies depuis que tu es toute petite. Dans quelles circonstances as-tu débuté ce sport ?
J’ai toujours vécu à Tignes, en station de ski. J’ai commencé le ski quand j’avais deux ans. Mes parents skient tous les deux, mon père est d’ailleurs moniteur de ski, cela a donc bien aidé. J’ai intégré le club des sports de Tignes dès le plus jeune âge, à 6 ou 7 ans. De ce qu’en disent mes parents, j’ai toujours été très compétitrice. Ils m’ont donc assez vite mise dans les compétitions de ski, j’ai adoré et de fil en aiguille, j’ai continué tout le temps !
-Tu as évolué à haut niveau en ski alpin, avant de te lancer dans une nouvelle carrière sportive en ski freeride. Comment s’est opérée la bascule entre ces deux disciplines ?
J’ai effectivement eu une première carrière en ski alpin, que j’ai réalisé principalement en Coupe d’Europe, en slalom et géant, avec l’équipe de France. J’ai fait un tout petit peu de Coupes du monde, mais je n’ai pas vraiment réussi à passer le cap. J’ai arrêté en 2019, j’ai continué mes études en pensant ranger les skis au placard. En passant mon diplôme de monitrice, j’ai fait du hors-piste car il y avait un module spécifique. J’ai adoré, on m’a dit que je skiais bien et c’est comme ça que je me suis orientée vers le freeride !
Léa Chapuis, une belle passion pour le freeride
– Comment se sont déroulés tes débuts en tant que freerideuse ?
Pour être honnête, avant de m’inscrire à ma première compétition, j’ai eu recours à de la préparation mentale, afin d’être sûre que je faisais ça pour les bonnes raisons. J’avais mal vécu mes dernières années en tant que skieuse alpine, notamment en équipe de France.
Je ne connaissais rien du tout au monde du freeride, mes débuts ont donc été un peu stressants.
J’ai vraiment essayé de m’accrocher, la préparation mentale m’a permis de définir mes objectifs, mes envies, mes ambitions etc. Je me suis finalement lancée, en commençant un peu « en touriste », car je suis allée à ma première compète avec des skis de rando ! Je n‘avais donc pas du tout le bon matos pour du freeride, c’était une toute petite compète (1*) et je l’ai gagnée. Deux jours plus tard, j’ai refait un podium sur une 2*. J’ai commencé à être accompagnée par des marques et à me fixer des objectifs plus importants. L’avant-saison était très stressant, mais une fois que je me suis lancée, j’ai découvert un milieu génial, avec des gens hyper cools. J’ai donc vraiment adoré dès le départ !
– Quels sont aujourd’hui tes points forts en tant que freerideuse professionnelle ?
La ride pure. En freeride, on doit rider vite et également sauter des barres rocheuses, en faisant des figures etc. La partie ski est mon point fort, en venant de l’alpin j’ai une bonne base technique. Je sais skier très vite en étant solide, et non en étant complètement hors-contrôle.
– Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la pratique du ski freeride ?
Je suis un peu sujette à la peur de l’inconnu, sauter des barres rocheuses demande d’accomplir des mouvements que je ne savais pas du tout accomplir à la base. Le freeride est complètement différent techniquement de l’alpin. Le fait de devoir repérer une face aux jumelles, puis devoir se repérer dans l’autre sens (le sens de la descente), ce sont des choses qui me font sortir de ma zone de confort. Cela me fait peur parfois, mais le fait de travailler dessus, réussir à dépasser ses craintes et être finalement très à l’aise sur des choses qui me semblaient auparavant impossibles… eh bien, ça j’adore ! Cela m’aide à progresser dans ma vie en général et à prendre du plaisir en freeride, en faisant des choses de plus en plus incroyables.
Le Freeride World Tour comme objectif, pour Léa Chapuis
– Tu as pour ambition d’accéder au Freeride World Tour. Que représente ce circuit mondial à tes yeux ?
Pour moi, le Freeride World Tour est un rêve, je trouve ça vraiment classe de faire partie de l’élite mondiale. Il y a peu de riders sélectionnés chaque saison, le circuit regroupe donc les meilleurs et ce côté prestige me fait rêver. Sur les compétitions 4* et les Challengers, l’ambiance est vraiment sympa même si on est tous des compétiteurs. On partage de bons moments à la fin des épreuves, on se soutient tous et on se tire vers le haut les uns les autres. Je n’ai pas uniquement l’impression de me battre pour atteindre mes objectifs individuels, mais j’évolue également dans un milieu sain et humain. L’ambiance sur le World Tour semble tout aussi formidable. J’ai vraiment la sensation que voyager tous ensemble, tout au long de l’hiver, donne au Freeride World Tour des allures de grande famille, où tout le monde s’entend bien. Ce petit cocon ne se retrouve pas dans toutes les disciplines, où il y a parfois plus de densité. L’expérience Freeride World Tour me tente donc bien, ça a l’air cool !
-A l’heure actuelle, tu évolues sur le circuit Qualifier, c’est ça ?
J’évoluais avant sur les Challengers, le système de qualifications a été modifié l’été dernier et je suis redescendue sur les Qualifier 4*. L’an dernier je me suis blessée et j’ai réalisé des résultats mitigés, ma saison fut un peu compliquée. Cette année, j’ai eu une wild-card (une invitation) pour participer à un Challenger, et j’en ai fait un autre grâce à mes points. L’année prochaine je serai normalement sur les Challengers, mais j’attends la confirmation officielle.
– Peux-tu nous parler de la préparation et des entraînements que tu as suivis pour la saison qui vient de s’achever ?
Je n’ai actuellement personne qui me suis concernant ma préparation physique. Je suis contente d’avoir bénéficié de préparations physiques en ski alpin, qui m’ont tout appris. Je ne suis pas préparatrice physique, si j’avais quelqu’un avec moi ce serait sans doute plus précis et plus efficace. J’arrive toutefois à faire ce que je peux, de mon côté. Je fais de la prép’ physique tout l’été, il y a également un peu de freestyle en Suisse. J’y vais avec des potes, afin de progresser sur les sauts et sur les tricks. Concernant ma préparation mentale, cela dépend des années. Cette saison, une personne m’a un peu accompagnée, mais ce n’était pas des séances très régulières comme j’ai pu en bénéficier par le passé. Je n’en ressentais, en effet, pas le besoin cette année. Depuis l’an dernier, je m’entraîne par ailleurs avec une structure basée à Chamonix qui s’appelle le YRC (Young Riders Crew), le coach étant Greg Liscot. C’est une structure hyper bien pensée, avec un coaching qui me parle vraiment. J’ai rencontré Greg sur les Challengers il y a deux hivers, il coachait (et coache toujours) Anna Martinez avec qui je partageais les logements.
Une belle saison pour la freerideuse française
– Quel bilan sportif tires-tu de cette saison de freeride ?
J’en tire un bilan très positif, j’ai montré du beau ski, notamment lors des deux Challengers auxquels j’ai pris part. Je sais que j’étais vraiment dans le juste, je skiais bien, c’était cohérent par rapport à ce qui est recherché en termes de jugement. J’ai également fait des bons résultats sur les Qualifier, j’ai gagné au Japon. En milieu de saison, je me suis fait hélas une rupture partielle du ligament latéral interne du genou. Cela nécessitait normalement six semaines de repos, mais je n’ai pris que douze jours. J’avais des compétitions à venir, que je ne voulais vraiment pas rater. Pour mon retour, j’ai terminé troisième de la compétition, après deux semaines sans skis. C’était donc très encourageant. Il y a évidemment beaucoup de choses sur lesquelles je dois progresser, mais c’est ma première saison de freeride où je kiffe à 100%, où je me fais plaisir, sans jamais me faire trop peur. Je sens que je maîtrise les choses, c’est donc une très bonne saison pour moi !
– Comment as-tu réussi à concilier tes études, ton job de monitrice de ski et ta carrière de skieuse freeride ?
J’ai effectué mon bac au Lycée d’été d’Albertville, quand j’étais en équipe de France, et beaucoup de devoirs étaient rendus en distanciel pendant l’hiver. J’ai donc été habituée très jeune à évoluer en télétravail. Lorsque je suis rentrée à Sciences Po Paris, après mon bac, j’étais dans un cursus aménagé pour les sportifs de haut niveau, le Certificat Préparatoire. Cela équivaut à peu près à une Licence obtenue à Sciences Po, avec des matières telles que la politique, l’économie, l’histoire etc. Je pouvais l’obtenir en autant d’années que je voulais, en 100% télétravail si je le souhaitais. C’est comme ça que j’ai pu mettre un premier pied dans le monde des études, et cela m’a ouvert une passerelle pour présenter un Master. Je suis donc rentrée en Master Marketing, avec des élèves « normaux » (qui n’étaient pas nécessairement sportifs de haut niveau). La directrice était bien à l’écoute et m’a permis d’étaler mon Master sur quatre ans, avec un maximum en télétravail quand je le pouvais. Je t’avoue que le Covid a bien aidé (sourire). Quand j’ai pris une année de césure, j’ai réalisé un premier stage de six mois, pendant l’été, puis j’ai basculé sur ma première saison de freeride. Les choses se sont donc bien goupillées, et j’ai été aidée par le fait d’être en mesure de travailler en télétravail. J’ai d’ailleurs trouvé des stages, pendant mes études, qui me prenaient en télétravail et c’était vraiment appréciable.
C’était ma quatrième saison de freeride cette année, lors des deux premières j’étais monitrice de ski en saison à plein temps, sauf pendant les compétitions. J’ai réalisé zéro entraînement spécifique en tant que freerideuse, ces deux premières années.
A cette époque, je terminais par exemple à 17h mes cours puis il fallait que je file en Autriche, pour le riders meeting. J’arrivais là-bas à 2h du matin puis je partais directement après la compétition. Je revenais là encore en pleine nuit à Tignes, pour bosser le lendemain à 9h. Le rythme était donc totalement ingérable.
Depuis l’an dernier, j’ai donc décidé d’avoir davantage de temps pour me reposer et pour m’entraîner, puisque j’ai pris un coach. Les deux premières saisons, je faisais peut-être 400h à l’école de ski pendant l’hiver. Aujourd’hui, j’en fais environ 150.
–Quels sont désormais tes prochains objectifs sportifs ou extra-sportifs ?
Sur le plan sportif, je veux continuer à faire de la compétition et me qualifier sur le Freeride World Tour. J’aimerais bien aussi développer le côté image, car le freeride c’est aussi un sport d’image. J’ai quelques petites idées de projets vidéos, et pourquoi pas un film un jour, si j’ai une idée qui sort du lot. Dans un premier temps, des vidéos de performances en freeride me tentent bien. J’aimerais développer cela l’année prochaine.
Sur le plan extra-sportif, j’ai achevé mon Master Marketing à la fin de l’année 2023. L’an dernier, j’ai pris une année sabbatique pour souffler un peu, car je n’avais jamais vraiment arrêté depuis le bac. Je commence désormais à chercher, soit des CDI qui me libéreraient pour mes saisons d’hiver (certaines entreprises étant intéressées par les profils sportifs), ou peut-être juste des CDD si les missions sont vraiment intéressantes et utiles pour mon parcours professionnel. Je commence donc à explorer cette voie-là, car j’ai envie de continuer et progresser dans le domaine du marketing, et me servir de mon Master.
– Quelque chose à ajouter ?
L’audace m’a conduite dans le freeride, j’avais vraiment peur de me lancer et aujourd’hui, je suis beaucoup plus heureuse en freeride que dans tous mes autres projets de vie. Je pense que dès qu’on a une petite idée derrière la tête, c’est qu’elle a le mérite d’exister et il faut l’écouter, foncer quitte à faire ensuite machine arrière. L’audace est en tout cas quelque chose qui me porte bien depuis le début !
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Crédit photo de Une : Garance Martig/FWT 2025
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