Interview de karine Joly et Greg Crozier, champions du monde de freefly

Champions du monde de parachutisme, Karine Joly et Greg Crozier (43 ans) détiennent respectivement 12 et 10 records du monde et font figure de références dans leur discipline, le freefly. Couple dans les airs et dans la vie, les deux athlètes s’envoleront en août pour Chicago, afin de tenter de battre le record du monde chute libre verticale, avec 200 autres parachutistes. Greg Crozier et Karine Joly se sont confiés en interview pour le blog ! 

– Karine et Greg, pourriez-vous chacun vous présenter en quelques phases, aux lecteurs du blog ?

Karine : Je m’appelle Karine Joly. Originaire de Lyon, j’ai poursuivi des études en design et en architecture d’intérieur à Paris. Par la suite, je me suis passionnée pour le parachutisme, une discipline dans laquelle Greg et moi avons construit notre carrière. Je suis devenue championne du monde et je compte 12 records du monde à mon actif.

Greg : Je suis né à Saint-Etienne, et j’ai eu toutes sortes de transitions dans ma vie. J’ai commencé en tant qu’éducateur sportif, j’ai été sauveteur en mer, marin puis capitaine dans la marine. Je suis ensuite entré en équipe de France de parachutisme, et j’ai réalisé avec Karine ce long parcours de 10 années d’équipe de France. J’ai gagné une coupe du monde en 2012, je suis devenu champion du monde de parachutisme en 2018, et je détiens 10 titres nationaux et 10 records mondiaux.

De quelle manière avez-vous découvert le monde du parachutisme ?

Karine : J’ai découvert cet univers à 18 ans, quand ma famille m’a offert un saut en tandem pour marquer le coup. Je pense qu’ils étaient loin d’imaginer que ça me plairait autant (sourire). Dès que je me suis posée au sol, ce que j’ai ressenti était tellement fort que j’ai tout de suite eu envie d’apprendre à sauter toute seule. Un peu plus tard, en 2004 — j’avais alors 23 ans — j’ai fait ma progression pour pouvoir sauter en solo.

Greg : Pour ma part, et c’est toujours marrant à expliquer, je le dois aux films hollywoodiens. Quand j’étais adolescent, il y a eu toute une série de films avec des scènes de chute libre incroyables. En visionnant ces films, j’ai été immédiatement fasciné et attiré par le parachutisme. J’avais seulement 14 ans, il a fallu que j’attende deux ans pour avoir l’âge minimum pour sauter. J’ai donc commencé à 16 ans et je n’ai jamais arrêté depuis !



– Qu’avez-vous ressenti lors de vos premiers sauts en solo ?

Karine : La sensation est très différente entre les premiers sauts en solo et les sauts que l’on peut faire aujourd’hui, avec toute notre expérience. Les débuts sont très intenses, parce qu’on est littéralement traversé par une montée d’adrénaline liée à l’instinct de survie. Il faut dire que sauter d’un avion, ce n’est pas exactement naturel (sourire).
Le cerveau envoie plein de signaux du type : « Mais pourquoi tu fais ça ? Tu n’as rien à prouver ! »

Et pourtant, on y va. Parce qu’on sait pourquoi on le fait. Ce n’est pas un saut dans le vide au sens figuré : c’est un risque, oui, mais un risque mesuré. On s’entraîne beaucoup, on répète les gestes, tout est préparé. Mais même avec ça, le premier saut reste un vrai défi. C’est comme franchir un interdit, repousser une limite. Et ce que tu trouves de l’autre côté, c’est une sensation de liberté incroyable.

Tu ressens des choses presque irréelles, des sensations que tu n’es pas censé connaître en tant qu’être humain. Le vent te porte, il s’écrase contre ton corps comme un immense coussin d’air. C’est vraiment très fort. Et puis il y a la vue : on saute à 4 000 mètres d’altitude, alors forcément, on a cette impression étrange de ne plus être sur Terre.

Greg : Lors de mes premiers sauts à 16 ans, j’ai vraiment pris sur moi car émotionnellement c’était très difficile. Si tu as une famille qui fait déjà du parachutisme, c’est peut-être différent. Pour ma part, j’étais tout seul et c’était vraiment dur, à la porte de l’avion, de se battre contre tout ce que vient de dire Karine. Le doute était énorme car tu te dis que tu n’es pas obligé de faire ça… L’avion vole bas, au moment de sauter, la porte va se plaquer contre l’aile et comme l’espace était réduit, le moniteur ne pouvait pas t’accompagner à la porte et tu devais marcher un peu à quatre pattes, te placer en amazone, à côté du pilote avec les jambes dans le vide: tout était impressionnant. Tu étais donc seul au monde à ce moment-là, avec pour effet de te demander encore plus : « qu’est-ce que je fais là ? ». Je m’étais programmé pour me forcer quoiqu’il arrive car je voulais sauter, mais je dois avouer que j’ai vécu un moment compliqué. Le premier saut m’a procuré des émotions puissance mille, tout comme les deux-trois suivants, mais je n’ai pas lâché. Je voulais comprendre ce que les autres parachutistes vivaient, et ce que je vivais mentalement dans mes rêves, depuis deux ans.  

Comment pourriez-vous décrire votre discipline à ceux qui ne la connaissent pas ?

Karine : Nous, on pratique le freefly, qui veut dire littéralement “vol libre”. Quand tu commences à sauter, tu apprends d’abord à voler à plat ventre, parce que c’est la position la plus stable et la plus sûre pour ouvrir ton parachute.

Le freefly, c’est tout ce qui sort de cette position classique. Concrètement, tu vas apprendre à voler assis dans le ciel, un peu comme si tu étais sur une chaise ou un canapé, et il faut trouver ton équilibre dans cette posture. Tu vas aussi voler la tête en bas, ce qui constitue l’autre grande position du freefly.

Et puis il y a ce qu’on appelle la position d’angle : tu te mets comme une flèche et tu dérives dans un angle d’environ 45°. C’est ce qui permet de se déplacer et de rejoindre d’autres sauteurs en groupe. L’idée, c’est vraiment d’apprendre à maîtriser son corps dans l’espace, dans les trois dimensions.

Greg : Il y a parfois une autre description que l’on donne, c’est l’appellation « danse dans le ciel ». On alterne du vol synchronisé et des constructions artistiques.

Crédit photo Seth Robison

Karine, tu comptes 12 records du monde à ton actif et deux titres mondiaux. Quel accomplissement a le plus de saveur à tes yeux ?


Karine : C’est une super question. Notre premier titre mondial, c’était en 2012 : on a gagné la Coupe du monde. Ce moment-là a été complètement fou. On sortait d’une période d’entraînement très intense, et on avait vraiment dû se battre pour être là — on nous avait mis pas mal de bâtons dans les roues, mais on s’est accrochés. On ne s’attendait pas forcément à finir en tête, donc quand c’est arrivé, c’était une surprise incroyable, un moment inoubliable. C’était aussi la première fois qu’on baignait dans cet univers international, hyper bienveillant, très fair-play. C’était génial de pouvoir se mesurer à d’autres équipes dans cet esprit-là.

Le titre de champion du monde en 2018 est ensuite venu couronner dix années d’efforts. C’était en Australie, ce qui donnait une dimension encore plus forte à l’événement. Un moment vraiment génial.

Pour ce qui est des records, je crois que ce qui m’a le plus marquée, c’est mon premier record européen avec une formation à 80 personnes, en 2011. Pour moi, c’était déjà géant.

Et puis il y a aussi les tentatives à 200 personnes, qu’on n’a pas encore réussi à valider. Là, c’est carrément un paysage humain qui se dessine en plein ciel, c’est à couper le souffle.

Greg Crozier et Karine Joly – Photo James Kunze



– Greg, tu comptes quant à toi 10 records du monde et deux titres mondiaux. De quoi es-tu le plus fier concernant tes réalisations ?

Greg : Ce périple pour atteindre le titre de champion du monde a été d’une extrême intensité. La Coupe du monde est arrivée assez rapidement dans notre carrière, mais pour décrocher le titre de champions du monde, cela a vraiment été très difficile. Il fallait être envoyé par sa Fédération, et rentrer dans le dispositif de la délégation française. En tant que capitaine de l’équipe, je devais par ailleurs m’assurer de conserver la motivation de tous. Il y a eu des moments très compliqués, où nous avions tous envie d’abandonner… Une fois que l’objectif est accompli, tout est merveilleux et on a l’impression que tout était facile, mais ce n’était pas le cas. Quand je me rends compte, en Australie, que nous avons remporté le titre de champions du monde, c’est une libération colossale !
Je suis aussi très fier des 10 records du Monde que j’ai réalisé en 10 ans.
Nous avons fait face aux équipes de très fortes nations pendant ces 10 ans de compétition, mais lorsque l’on part pour un record du monde, on ne se bat plus contre ces pays-là, on est tous ensemble pour établir une performance ensemble. On va tous s’entraider afin de réussir le même objectif. J’adore donc ces sauts de tentatives et d’établissement de records du monde.
Concernant mes meilleurs souvenirs de records, je dirais d’ailleurs le record du monde de nuit, en 2024, où l’on ressemblait à des météorites traversant le ciel d’Arizona…  Cette performance nous a permis de nous faire remarquer. Cela m’a valu une lettre personnelle d’encouragement du Président de la République.

Karine Joly et Greg Crozier – « Totem » à Marseille – Ewan Cowie Photography

Vous avez en effet effectué tous les deux des sauts en nocturne en 2024, notamment dans le désert de l’Arizona et au-dessus des pyramides d’Egypte. Karine, comment se prépare-t-on à ce genre de performances ?

Karine : Les sauts de nuit, c’est vraiment particulier. Il y a des risques supplémentaires à prendre en compte. Une fois que tu ouvres ton parachute, il faut réussir à repérer où sont les autres, et ce n’est pas toujours évident dans l’obscurité. Comme on avance sous voile, il peut très vite y avoir un risque de collision.

Le deuxième gros danger, c’est l’atterrissage. Si tu rates le petit terrain éclairé, tu peux te retrouver complètement dans le noir, sans savoir si la zone est dégagée — il peut y avoir des arbres, des clôtures, des bâtiments, ou même des lignes électriques. Et là, il y a un vrai risque de blessure.

Pour se préparer, on étudie bien le terrain à l’avance. On regarde Google Maps pour prendre des repères plus lointains, on identifie tous les obstacles potentiels. Puis on s’équipe avec un maximum de lumières sur nous. Des lampes de couleur, fixées avec du scotch sur les bras et les jambes. En général, on met une lumière rouge devant et une verte derrière — comme ça, sous voile, si tu vois quelqu’un, tu sais s’il vient vers toi ou s’il s’éloigne. On ajoute aussi une lampe sur le haut du casque pour éclairer la voile. L’idée, c’est vraiment d’être le plus visible possible.

Saut de nuit – Photo Nathan Roth


– L’un de ces sauts nocturnes a été officiellement reconnu comme record mondial. Greg, peux-tu rappeler en quoi ce saut constituait ?

Greg : Dans le cadre des records du monde, trois juges vont valider la réalisation d’une formation géométrique que l’on a créée. Il faut que cette formation soit complètement construite, qu’elle soit fermée et que chacun soit à sa place pour que le record soit validé. Nous devons bien sûr fournir une preuve vidéo ou photographique que la formation fermée, et que tout le monde est à sa place. Si la formation est plus grosse que lors du précédent record, un nouveau record est donc établi.
Concernant le record du monde de nuit, il n’y avait eu aucun autre record « grande formation » officiellement établi par le passé. Nous avons donc voulu établir ce record officiel, avec une grosse formation (42 personnes et 3 vidéoman), le 22 mars 2024.
Il a eu lieu à Eloy, en Arizona, à côté de Casa Grande.
La sélection a été très rigoureuse, nous n’étions qu’avec les meilleurs parachutistes du monde. Cela n’a pas été au final trop dur, et tant mieux car il y avait beaucoup de paramètres à gérer. Ce saut était d’une grande difficulté technique et logistique, et nous ne voulions pas prendre de risques de rater la prise de vues, d’où la présence également de 3 vidéoman au lieu de 2.
L’ambiance était irréelle, nous étions dans le noir absolu pendant toute la montée en avion. Nous n’avions le droit de mettre en route nos combinaisons que quatre minutes avant le saut. L’ambiance changeait alors complètement, en mode disco/daft punk, c’était très lumineux ! A 2 minutes du saut, nous nous levions tous et vérifions que les détonateurs soient prêts. C’est seulement au moment où nous franchissions la porte et débutions la chute libre que nous avions le droit de mettre en route nos systèmes de pyrotechnie. Il aurait évidemment été très dangereux qu’un système se mette en route dans l’avion avec l’oxygène pur qui s’échappait de nos systèmes de respiration.
Ce saut-là nous a été très bénéfique médiatiquement, Karine a par exemple une vidéo à plus de 10 millions de vues. Tom Cruise, qui est un très bon parachutiste, a d’ailleurs vu cette performance qu’il a adoré.
Lorsque nous avons été invités à l’Elysée, nous avons offert le poster de ce saut au Président de la République, qui a été impressionné et nous a adressé une lettre de félicitation. Ce record a donc fait du bruit !


– Vous avez également tous les deux sauté à 7 000m, devant l’Everest. Quels souvenirs gardez-vous de ce moment ?

Greg : Un souvenir vraiment intense ! C’était 10 mois de préparation, de logistique, à obtenir les autorisations, trouver la bonne fenêtre météo, immobiliser la bonne équipe de sherpas, louer l’hélicoptère… C’est stressant, tu te dis que si un des paramètres ne marche pas, cela remet tout en cause. Il fallait vraiment que tout fonctionne. Une fois que tu es sur place, tu passes par une semaine d’acclimatation à 4 000m, que tu atteins à pieds.
Même au bout de 5 jours tu restes vite essoufflé au moindre effort.
L’autorisation que l’on avait n’a pas été validée dans les délais impartis, et nous avons donc dû attendre trois jours supplémentaires pour pouvoir sauter. Ces trois jours ont paru un mois, tu as le temps de te dire trop souvent : « qu’est-ce qui se passe si on n’a pas l’autorisation ? » C’était un moment difficile que j’aurais préféré ne pas vivre. Cela a compté dans l’expérience du saut. Donc lorsque je me retrouve sur le patin de l’hélicoptère à 7000m de haut face à l’Everest avec Karine et Omar de chaque côté. L’émotion est absolument immense. Quoi qu’il arrive maintenant, je réalise quelque chose d’unique : un 10.000ème saut + 50ème pays, face au mont Everest.


Karine : Habituellement, pour un saut régulier, on saute à 4 000m et on ouvre à 1 000m. Là, nous avons décollé de 4 000m, nous sommes montés jusqu’au plafond des 7 000m et nous avons atterri sur ce plateau de 4 000m. Plus on monte, plus l’air est fin et moins il est porteur. Il fallait donc que l’on trouve des parachutes nous permettant de poser à 4 000m, avec des voiles beaucoup plus grandes. Un organisme nous a aidés à gérer la logistique, en particulier concernant l’acheminement du matériel. Il se trouve que cette année, ils étaient dans l’incertitude d’avoir toutes les autorisations, cela a donc été le suspense jusqu’au bout.

Plus on monte, plus l’air est fin et moins il est porteur. Il fallait donc que l’on trouve des parachutes nous permettant de poser à 4 000m, avec des voiles beaucoup plus grandes. Un organisme nous a aidés à gérer la logistique, en particulier concernant l’acheminement du matériel. Il se trouve que cette année, ils étaient dans l’incertitude d’avoir toutes les autorisations, cela a donc été le suspense jusqu’au bout.
J’aime beaucoup les pays chauds et je ne suis pas très résistante au froid, et ma hantise était de savoir comment j’allais réagir au froid de l’Himalaya. Par chance, en novembre, la météo était clémente et nous n’avons pas eu si froid que ça. Cela nous a permis de faire ce saut dans de très bonnes conditions.


– Que préférez-vous à l’heure actuelle dans vos vies de parachutistes
 ?

Karine : La liberté de de pouvoir organiser son planning soi-même. J’ai eu l’expérience de travailler durant sept ans à Monaco, dans une entreprise où j’étais designer de yachts. C’était un beau contexte et tout se passait très bien, mais avoir un quotidien qui se répète, ça fait peur. Les mois s’enchainent et se ressemblent, le temps passe à une allure folle. Créer ses journées est un sacré privilège que je savoure tous les jours. Avoir cette fraîcheur en permanence au quotidien, c’est génial !

Greg : J’aime évidemment cela aussi. Je rajouterais que la chance d’avoir eu le titre de champions du monde, et en plus d’être Français, fait que nous disposons désormais d’un statut de prestige. Cela nous permet d’être invités dans des endroits incroyables. Les gens qui nous reçoivent nous donnent vraiment le meilleur d’eux, ils nous accueillent dans les meilleures conditions. Ils sont contents et honorés que l’on soit là, ils font des photos qu’ils gardent ensuite dans leur paraclub… C’est très gratifiant d’avoir atteint un tel niveau qui permet d’inspirer et motiver les gens que tu rencontres.

Greg Crozier et Karine Joly -Liberty A3
Greg Crozier et Karine Joly -Liberty A3

– Vous êtes désormais lancés vers un nouveau record du monde de chute libre verticale, détenu depuis 2015. Que pouvez-vous me dire au sujet de ce challenge ?

Karine : En 2015, on a réussi à établir une figure géante à 164 personnes, c’était un moment incroyable. Dans ce type de défi, on cherche à dessiner une figure dans le ciel — là, c’était comme une fleur, avec un cœur et plein de pétales qui venaient s’y greffer.

Pour réussir le record, il faut que tout le monde se retrouve en chute libre, qu’on aligne nos vitesses avec celle du groupe, et qu’on vienne se “poser” en douceur, sans pousser, sans déventer ou heurter quelqu’un. Ça demande une totale maîtrise du corps en vol, un niveau technique très élevé, et aussi une vraie solidité mentale. La pression est énorme, parce qu’on sait qu’une seule erreur peut faire échouer la tentative.

La compétition nous donne un certain bagage, ça nous rend plus à l’aise dans ces conditions. Mais beaucoup de parachutistes qui participent aux records n’ont pas forcément cette expérience-là.

Après le record de 2015, on a essayé deux fois de le battre, en 2018 puis en 2022, avec ce même dessin de figure mais à 200 personnes. Malheureusement, ça n’a pas abouti. Plusieurs personnes n’arrivaient pas à aponter la formation à temps. Je pense que c’était en partie dû à un manque d’entraînement spécifique pour certains, mais aussi peut-être au design de la figure, qui était difficile à construire dans le temps imparti.

Cette année, en août à Chicago, notre dessin de figure devrait être plus rapide à construire. L’objectif est de permettre aux gens qui viennent sur la fin du saut d’être plus à l’aise, et d’avoir plus de temps pour s’accrocher.

Greg : Nous nous rejoignons sur 6 jours, avec un budget global de 20 sauts, ce qui laisse de la marge. On fait exprès de se rejoindre à un moment de l’année, et à un endroit, où il n’y a pas trop de risques de mauvaise météo. Les records tombent généralement entre le 12e et le 14e saut. S’ils tombent vers la fin, c’est que la stratégie n’était pas bonne. Mais maintenant que nous avons vécu cette expérience de réussite du nouveau record d’état de Californie je suis beaucoup plus optimiste. En effet, le 23 mai à Skydive Perris, nous avons réussi une formation à 103 parachutistes, battant très largement la précédente formation à 80 établie en 2017. Une toute nouvelle technique de construction et une nouvelle forme ont été utilisées. Le résultat est révolutionnaire ! Nous avons failli réussir le record au 1er saut !
Finalement nous réussissons à la 5ème tentative ce qui est 2 à 3 fois plus rapide que d’habitude et surtout en réalisant une taille 30% plus grande ! C’est hallucinant
Le record à 200 devient de fait, largement plus accessible.



Un mot sur votre planning à venir concernant cette tentative de record du monde ?


Greg : Nous avions deux dates liées à ce record-là. Tout d’abord un entraînement en Californie, du 21 au 25 mai que nous venons de réaliser et qui finalement n’a demandé que 3 jours de sauts tant l’efficacité était au rendez-vous. La communauté mondiale attendait d’ailleurs que l’on fasse cet entraînement, car nous allions procéder au test à 100 de ce nouveau design de figure, pensé afin de faciliter la vitesse de construction. Quelle réussite
On enchaîne maintenant avec le Brésil : du 2 au 6 juin un autre test de formation va avoir lieu, vers Sao Paulo. Nous ne serons « que » 60, avec ceux qui veulent venir à Chicago. Cela permettra aux parachutistes présents de voir s’ils ont bien le niveau pour aller « dans un 200 ». A 60, les distances sont plus éloignées et les approches sont plus allongées que ce que les sud-américains ont l’habitude de faire avec des formations à 40 parachutistes, ce sera donc un bon entraînement pour eux.

En plus de ce planning de records, nous avons également la chance d’avoir de belles destinations à venir, en dehors du projet de record. Nous irons par exemple en Finlande, pour les 10 ans d’une manifestation qui s’appelle Sunset Boogie. Nous serons au 28e parallèle et il ne fera jamais nuit ! On a hâte de vivre cette expérience.


Karine : Ça va créer des lumières en chute libre qui vont être complètement dingues, le coucher de soleil va nous accompagner durant des heures…

Greg Crozier et Karine Joly, champions du monde de parachutisme
Greg Crozier et Karine Joly, champions du monde de parachutisme

Karine, tu as sorti en octobre 2024 ton aubiographie « L’horizon des possibles », que j’ai d’ailleurs chez moi. Qu’est-ce qui t’as conduite à raconter ton parcours ?

Karine : En 2020, pendant la première vague du Covid, tout s’est arrêté d’un coup, et on ne savait pas du tout ce que l’avenir nous réservait. J’ai ressenti à ce moment-là le besoin de garder le lien avec notre communauté de parachutistes. Comme on avait eu la chance de sauter dans des endroits incroyables, j’ai eu l’idée de faire un Top 10 de mes destinations préférées.

Mais au lieu de publier une jolie photo avec deux lignes de texte, j’ai choisi de partager des rushs vidéo accompagnés de longs récits. Je racontais comment on s’était retrouvés là, les rencontres qu’on avait faites, le ressenti du saut, toute l’aventure autour… Et j’ai reçu plein de messages de gens qui me disaient merci, parce qu’ils avaient eu l’impression de voyager avec moi, de vivre le saut à travers mes mots.

Un ami m’a alors lancé : « Tu devrais écrire un livre, tu racontes super bien, et il n’y a rien sur le parachutisme accessible au grand public. » Ce qu’il ne savait pas, c’est tout ce que j’avais vécu : dix ans de compétition, les galères, les obstacles… Et là, tout s’est un peu imposé. Les chapitres sont venus naturellement, j’ai réalisé que j’avais effectivement beaucoup de choses à raconter. Alors j’ai commencé à écrire. Et comme j’aime aller au bout de ce que je commence… le livre a fini par voir le jour ! Il m’a fallu du temps, mais il est sorti (sourire).

Karine Joly après une interview sur France Inter
Karine Joly après une interview sur France Inter, avec son livre « L’Horizon des possibles » (City)


– Un message à faire passer aux lecteurs du blog, pour conclure cette interview ?

Greg : Nous essayons aujourd’hui de casser un certain nombre de clichés liés au parachutisme. On entend dire en effet qu’il s’agit d’une discipline réservée aux sportifs de haut niveau, qui est élitiste. Il n’y a pourtant pas de condition physique particulière pour sauter, si ce n’est avoir une colonne vertébrale droite. Tu peux sauter à partir de 16 ans et cela ne coûte pas si cher que ça. Une fois que la formation est passée, le saut coûte en effet 30€. Il y quasiment la parité dans toutes les disciplines et on est le pays au monde où il y a le plus de centres de parachutisme par rapport à la taille du pays. La France compte ainsi une centaine de structures. J’ajouterai que la communauté est par ailleurs l’une des meilleures communautés sportives qui existe. Il y a vraiment une belle solidarité, une fois que l’on est parachutiste on a un canapé pour dormir dans le monde entier !

Karine : Il n’est jamais trop tard pour se lancer, quel que soit son âge, et commencer une activité qui nous attire. Que ce soit le parachutisme ou autre chose, on pense souvent que l’on est trop âgé ou qu’il faut une certaine condition physique pour se lancer, mais je ne suis pas d’accord. Une meilleure condition physique peut ensuite aider à évoluer dans cette activité, mais pour débuter tu n’en as pas besoin. Il n’est jamais trop tard pour s’épanouir !

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Crédit photo de Une : Ewan Cowie Photography

Karine Joly et Greg Crozier – Ewan Cowie Photograhy
Karine Joly et Greg Crozier – Surf en Egypte – Ewan Cowie Photography


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